Impôt mondial: les pays du Sud veulent un taux d’au moins 21 %

Un taux minimum de 15 % ne rapporterait que 600 millions de dollars par an à l’Afrique du Sud, contre 2 milliards pour un taux de 21 %.

Par Florentin CollompPublié il y a 4 minutes, mis à jour il y a 4 minutes

Les membres du G7 Finances lors d’une réunion à Lancaster House, à Londres, le 5 juin. HENRY NICHOLLS/AFP

Les pays du Sud estiment avoir une carte à jouer dans les négociations en cours sur un impôt minimum mondial sous l’égide de l’OCDE. Ils veulent tenter d’obtenir une réforme qui leur soit plus favorable que celle esquissée au niveau du G7. Dans la configuration sur la table aujourd’hui, souligne Alex Cobham, de Tax Justice Network, «les pays du G7, qui représentent 10 % de la population mondiale, recevraient 60 % des revenus fiscaux additionnels». Une manne estimée à 275 milliards de dollars. Les pays en développement craignent d’être les dindons de la farce. Pour contrebalancer le puissant G7, ils défendent leurs intérêts au sein du G24, qui réunit vingt-quatre pays, emmenés par l’Inde, l’Argentine, le Nigeria, ainsi que la Colombie et le Mexique. Ils subissent en même temps une intense pression de l’OCDE, qui cherche à obtenir leur aval aux tractations en cours.

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«Les pays en développement doivent prendre les choses très au sérieux et respirer un grand coup avant de dire oui ou non», les interpelle Mathew Gbonjubola, représentant du Nigeria, négociateur au sein du «cadre inclusif» de l’OCDE, parmi 139 pays. «La fenêtre est étroite pour parvenir à un accord historique, précise Martin Guzman, ministre des Finances argentin. Un taux d’imposition minimum de 15 % est beaucoup trop bas, il ne faut certainement pas moins de 21 %, comme c’était proposé au départ par les États-Unis. Et le diable se loge dans les détails. Les pays en développement risquent de ne rien percevoir des revenus additionnels de la réforme. Nous devons nous battre contre les lobbies, qui sont très organisés.»

Un taux minimum de 15 % ne rapporterait que 600 millions de dollars par an à l’Afrique du Sud, contre 2 milliards pour un taux de 21 %. Pour le Brésil, ce serait 900 millions plutôt que 3,4 milliards. «C’est un dilemme pour ces pays en développement: soit ils signent l’accord, car ils en acceptent le principe, au risque de ne pas en toucher les bénéfices, soit ils ne signent pas, au risque de faire échouer un accord», résume Jayati Ghosh, professeur d’économie à l’université du Massachusetts et membre de l’Icrict (Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises).

«Accroissement des inégalités»

Quant aux modalités du «pilier 1» de la réforme, qui prévoit de ne taxer localement qu’à 20 % les profits «résiduels» des plus grandes multinationales supérieurs à 10 %, il risque de ne profiter qu’aux pays occidentaux. Le G24 plaide pour une taxation progressive des bénéfices, jusqu’à 30 ou 50 %, sur une assiette beaucoup plus large de sociétés.

«Nous sommes face à un risque d’accroissement des inégalités en raison de la façon dont les profits sont distribués et calculés», craint Martin Guzman. Pour José Antonio Ocampo, ancien ministre des Finances colombien et professeur à l’université de Columbia, «on n’est pas au bout du chemin, on peut espérer voir des améliorations en juillet lors des discussions au G20».

https://www.lefigaro.fr/conjoncture/impot-mondial-les-pays-du-sud-veulent-un-taux-d-au-moins-21-20210629