L'ICRICT se félicite de l'annonce du premier sommet fiscal d'Amérique latine et des Caraïbes en Colombie

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La Commission Indépendante pour la Réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT) se réjouit de l'annonce faite par José Antonio Ocampo le Ministre des Finances de Colombie et ancien Président de l'ICRICT, de l’organisation du premier sommet ministériel pour la région Amérique Latine et Caraïbes «Vers une fiscalité mondiale inclusive, durable et équitable » en juillet 2023 à Carthagène (Colombie). Cela représente, sans le moindre doute, une étape importante dans la région pour donner naissance à une dynamique commune allant dans le sens de la coordination plutôt que de la concurrence fiscale.  Sans coordination, il ne sera pas possible de mettre efficacement fin à l'abus des paradis fiscaux, ni de freiner la fraude et l'évasion fiscales. L'Amérique latine et les Caraïbes méritent d’avoir enfin un espace pour construire conjointement des initiatives pour une fiscalité plus juste, un véritable pacte fiscal.

 

L'abus fiscal des multinationales et des plus riches s'est développé dans le contexte de la mondialisation, et nécessite pour cela des solutions mondiales. Mais il faut aussi une perspective latino-américaine qui défende les intérêts et les caractéristiques de la région. Depuis une décennie, les négociations sur le système fiscal international, surtout dans une économie beaucoup plus numérisée, sont menées par l'OCDE et le G20 - dans un processus surnommé « BEPS ». En octobre 2021, après un processus de négociation ardu qui a abouti à un accord mondial signé par 140 pays. Mais il ne s’agit que premier petit pas pour en finir avec les stratégies d'évasion et d’optimisation fiscale des grandes multinationales.

 

Avec ce sommet, et grâce à la Colombie, les pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont la possibilité d’aller plus loin et de définir des mécanismes plus efficaces dans la lutte contre l'évasion fiscale, tant pour les grandes entreprises que pour les grandes fortunes. Mais aussi, pour faire en sorte que la région unisse ses forces pour se faire mieux entendre dans les négociations internationales.

 

Ce sommet, le premier de l'histoire, est une extraordinaire occasion de proposer un consensus latino-caribéen pour affronter les crises multiples qui secouent actuellement le monde, avec des politiques fiscales plus justes et plus durables, en taxant les superprofits et la richesse des entreprises, afin de s’attaquer de plein front aux inégalités.

 

Nous espérons que cette invitation de la Colombie sera bien accueillie dans la région et qu'elle réussira à rassembler tous les pays afin d'établir un avenir fiscal plus juste pour l'Amérique latine et les Caraïbes. 

 

Joseph Stiglitz, professeur d'économie à l'Université de Columbia et co-président de l'ICRICT, a déclaré :

« Je voudrais féliciter le ministre colombien des Finances, José Antonio Ocampo, d'avoir pris l'initiative de convoquer le premier sommet fiscal de la région Amérique latine et Caraïbes. La Colombie a déjà montré la voie en adoptant une réforme fiscale progressive qui implique de mieux taxer la richesse et de veiller à ce que les grandes multinationales paient leur juste part d'impôts. Ce sommet a la capacité de créer une dynamique positive dans la région. Sans fiscalité progressive, il est impossible de s'attaquer enfin aux inégalités historiques de la région et de préparer la région à faire face au défi existentiel du changement climatique ».

 

Jayati Ghosh, professeur d'économie à l'Université du Massachusetts à Amherst et coprésidente de l'ICRICT déclare :

« L'accord signé en octobre 2021 sur la fiscalité des multinationales sous la tutelle de l'OCDE ne répond clairement ni aux besoins ni aux demandes des pays en développement. Je salue donc chaleureusement l'annonce du ministre José Antonio Ocampo de convoquer le premier sommet sur les politiques fiscales en Amérique latine et dans les Caraïbes. C'est une excellente nouvelle pour la région, et pour le Sud mondial. C’est le signe encourageant que les pays en développement peuvent cesser de se faire concurrence sur les questions fiscales et s'organiser au niveau régional pour mieux faire entendre leur voix dans les forums mondiaux. Ce sommet peut également donner naissance à une plateforme nécessaire pour réfléchir à des stratégies fiscales alternatives pour une croissance plus inclusive et équitable ».

 

Magdalena Sepúlveda, Directrice exécutive de l'Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels et les États membres de l'ICRICT :

« Je voudrais remercier et féliciter le ministre José Antonio Ocampo pour l'appel historique lancé aux gouvernements de la région, convoquant le premier sommet en Amérique latine et aux Caraïbes pour une fiscalité équitable. Avec cet appel, la Colombie s'attaque à un problème qui ne peut plus être ignoré : si les grandes entreprises et les super riches ne paient pas leur juste part d'impôts, les pays ne seront pas en mesure de réaliser les investissements publics nécessaires pour faire face aux grandes crises actuelles, ni aux niveaux historiques d'inégalité, ni à l'augmentation du coût de la vie, tous facteurs dévastateurs pour une majorité de la population mondiale. ».

 

Ricardo Martner, membre de l'ICRICT et ancien chef de l'Unité des affaires fiscales de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) déclare :

« Le premier sommet fiscal pour l'Amérique latine et les Caraïbes est une excellente nouvelle pour qu'enfin, la coopération et la coordination puissent renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et la lutte pour une fiscalité internationale plus juste. C'est particulièrement important pour l'Amérique latine, une région qui manque d'un espace de consultation de coordination et de définition d'actions concrètes au plus haut niveau politique, susceptible de consolider des positions conformes aux intérêts de la région. Étant donné que d'autres régions du monde, comme l'Europe ou l'Afrique, disposent de ce type de mécanismes, les pays d'Amérique latine ont longtemps été désavantagés lorsqu'il s'est agi de discuter des changements urgents et nécessaires dans la fiscalité internationale. Je salue donc l'initiative du ministre José Antonio Ocampo, qui arrive à un moment politique très opportun pour renforcer la coopération dans la région ».

 

Martin Guzman, ancien ministre de l’Économie de l'Argentine et membre de l'ICRICT, déclare :

« L'appel du ministre José Antonio Ocampo pour le premier sommet fiscal en Amérique latine et dans les Caraïbes est une excellente opportunité, à un moment politique historique, de donner plus de force aux mesures fiscales progressives nécessaires pour répondre aux multiples crises auxquelles le monde est confronté.

Nous continuons à avoir un système fiscal mondial dysfonctionnel qui permet aux grandes sociétés multinationales d'éviter légalement de payer des impôts, ce qui prive les États de financements, et crée un monde plus inégal et instable. Nous devons unir nos forces. Seule une action collective nous permettra d'équilibrer le rapport de force et de négocier efficacement des réformes dont l'issue sera satisfaisante pour tous, et en particulier pour les pays en développement. »

 

Notes aux journalistes :

 

·         L'Amérique latine et les Caraïbes (ALC) restent la région la plus inégalitaire du monde. En 2019, les 20% les plus riches de la population disposaient de près de la moitié du revenu total, tandis que les 20% les plus pauvres disposaient de moins de 5% du revenu total. Les 1 % les plus riches de la région possèdent presque un quart du revenu total.

 

·         Depuis le début de la pandémie (entre mars 2020 et novembre 2022), la richesse des milliardaires de la région a augmenté de 21%, une croissance 5 fois plus rapide que le PIB de la région sur la même période (+3,9%). Quelque 100 milliardaires d'Amérique latine et des Caraïbes concentrent plus de richesses que 392 millions de personnes, ce qui représente 60 % de la population de la région.

 

·         Les 1 % les plus riches du Brésil détiennent désormais près de la moitié de la richesse du pays, contre seulement 20,3 % entre les mains des 90 % les plus pauvres. Au Mexique, l'homme le plus riche du pays possède une fortune supérieure à celle de la moitié la plus pauvre de la population, dans un pays de plus de 130 millions d'habitants.

 

·         En collaboration avec l'Institute for Policy Studies, Patriotic Millionaires et Fight Inequality Alliance, Oxfam a calculé qu'environ 50 milliards de dollars pourraient être collectés en prélevant un impôt sur la fortune nette de 2 % sur les millionnaires, de 3 % sur ceux dont la fortune dépasse 50 millions de dollars et de 5 % sur les milliardaires dans toute l'Amérique latine et les Caraïbes. Un tel montant serait suffisant pour augmenter de 36% les investissements publics dans la santé dans toute la région.

 

·         En 2020, les recettes fiscales de la région représentaient 21,9 % du PIB, avec des variations importantes dans la région, de 12,4 % au Guatemala à 37,5 % à Cuba. À l'exception de la Barbade et de Cuba, tous les pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont enregistré un ratio impôt/PIB inférieur à la moyenne de l'OCDE d'environ 33,5 %.

 

Lisez notre dernier rapport, « Mesures fiscales d'urgence pour lutter contre la crise de l'inflation ».

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